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La Lettre
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Nicolas Curien
Laboratoire de probabilités et modèles aléatoires,
CNRS/université Pierre-et-Marie-Curie
Quel objet mathématique intervient dans le calcul
du prix des options en finance, a permis de fonder
rigoureusement la thermodynamique des fluides et a été
à l’origine de deux prix Nobel et d’une médaille Fields ?
C’est le mouvement brownien. Avant de décrire cet
objet, penchons-nous sur sa genèse, qui mêle de
manière épatante biologie, physique, chimie, finance
et mathématiques, dans un ordre chronologique
surprenant.
Méfiez-vous de l’eau qui dort
Tout commence à la fin du XVIII
e
siècle, quand de nombreux scien-
tifiques, armés de microscopes,
décrivent l’agitation désordon-
née et permanente des particules
issues de grains de pollen en
suspension dans l’eau. Comment
expliquer qu’un liquide totale-
ment au repos soit à l’origine d’un
mouvement perpétuel ? Une com-
plaisante « force vitale » est alors invoquée pour rendre compte de cette apparente incompatibilité.
Cependant, en 1827, le botaniste Robert Brown - dont le mouvement portera le nom - montra que des
particules même inorganiques pratiquaient des danses zigzagantes identiques dans le fluide. Exit, donc,
l’hypothèse de la force vitale, et le mystère restait entier. Au cours du XIX
e
siècle, les physiciens - et
notamment Louis-Georges Gouy, à la fin du siècle - multiplièrent hypothèses et mesures : ils réalisèrent
Les aléas du brownien