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ossier
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Harald Helfgott
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croyait aussi à cette idée, et remarqua qu’il suffisait de montrer que tout nombre pair supérieur à 4 est
somme de deux nombres premiers. En effet, si tout nombre pair est somme de deux nombres premiers,
alors si
n
est un entier impair,
n-3
est pair et s’écrit comme la somme de deux entiers
p1
et
p2
. Finalement,
n = 3 + p1 + p2
.
La conjecture avancée par Goldbach continue de résister aux mathématiciens - même si elle a été
plusieurs fois démontrée dans la littérature ou au cinéma -, mais plusieurs avancées vers une preuve ont
été obtenues au cours du XX
e
siècle. Le premier résultant frappant fut celui de Šnirel’man en 1930, qui
réussit à démontrer qu’il existe un entier
N
tel que tout nombre entier s’écrit comme la somme d’au plus
N
nombres premiers. La preuve donnait bien l’existence de
N
, mais aucune valeur pour celui-ci !
La conjecture de Goldbach affirme exactement que le plus petit
N
- tel que mentionné ci-dessus - est
exactement 3. Les premières valeurs numériques connues de
N
furent très grandes, de l’ordre de
plusieurs millions, avant d’atteindre 7, grâce à Olivier Ramaré en 1995, puis 6, grâce à Terence Tao en
2012. En fait, ces deux derniers résultats ont été obtenus en se concentrant uniquement sur les nombres
pairs, ou sur les nombres impairs, avec des méthodes complètement différentes. On s’approchait donc de
la conjecture de Goldbach, sans pour autant l’atteindre...
En 1932, Ivan Vinogradov a montré que tout nombre premier impair « suffisamment grand » est somme
de trois nombres premiers. Malheureusement, ce « suffisamment grand », qui signifie « à partir d’un
certain entier », restait inconnu. Petit à petit, ce « suffisamment grand » a pu être quantifié, et il a pu être
montré que tout nombre premier impair plus grand que e
3100
est bien somme d’au plus trois nombres
premiers. Sachant que le nombre de secondes depuis le début de l’univers est de l’ordre de 10
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, et
qu’on estime le nombre de protons de l’univers à 10
80
, même en construisant un ordinateur avec tous les
atomes de l’univers et en le faisant tourner depuis le début de l’univers, il est inenvisageable de vérifier la
conjecture jusqu’à la valeur e
3100
!
Au mois de mai 2013, Harald Helfgott, de l’École normale supérieure, a
déposé une preuve, non encore publiée à ce jour, qui montre la conjecture de
Goldbach pour les nombres entiers impairs : l’essentiel de la preuve consiste
à montrer que le « suffisamment grand » du théorème de Vinogradov peut être
ramené à 10
27
, et utiliser ensuite la puissance des ordinateurs pour vérifier
la conjecture jusqu’à 10
27
, ce qui est accessible à un ordinateur personnel
actuel. Comme conséquence de ce remarquable résultat de Helfgott, on sait
que tout nombre entier est la somme d’au plus quatre nombres premiers. Pour
obtenir la conjecture complète, il reste à montrer que tout nombre premier pair
(supérieur à 3) s’écrit comme somme de deux nombres premiers exactement. Attention, il ne suffira pas
d’améliorer les méthodes utilisées par Helfgott pour obtenir le résultat pour les nombres pairs, il faudra
avoir de nouvelles idées ! Encore de beaux jours à venir pour les théoriciens des nombres...