La Lettre de l'Académie des sciences n°33 - page 10

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La Lettre
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Théorie des ensembles.
N. Bourbaki. Hermann Éd., 1939
Leonhard Euler
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Neper. Suivent Descartes et Newton, et l’essor conjoint de la
mécanique et de l’analyse mathématique, puis, au XIX
e
siècle,
la création de nouvelles géométries et de nouvelles algèbres,
le rôle des groupes, l’axiomatisation des théories, à commen-
cer par l’arithmétique, et les problèmes de Hilbert, présentés au
congrès international des mathématiciens de Paris, en 1900. Le
XX
e
siècle sera, quant à lui, marqué par le magistral
Traité de
Bourbaki
, qui domine la scène dans les années 1950 et restera,
tels les
Éléments d’Euclide
, un monument de la pensée mathé-
matique et un modèle d’écriture.
La profondeur et la croissance de tout ce qui s’est produit en
mathématiques depuis un siècle défient toute description. Si de
grands problèmes sont résolus, de nouvelles questions émergent.
En voici une petite sélection.
Les nombres premiers, d’abord, à propos desquels Bruno Duchesne fait
état de résultats tout récents et frappants. Il sont une source d’inspiration
constante pour les mathématiciens, et l’histoire des notions qui leur sont
liées occuperait plusieurs volumes. Sans énoncer explicitement l’existence
et l’unicité de la décomposition d’un nombre entier en facteurs premiers,
Euclide en donnait déjà tous les éléments de démonstration, enmême temps
qu’il établissait qu’à toute collection finie de nombres premiers correspond
un nombre premier qui n’appartient pas à la collection : il suffit de prendre
le produit de tous les nombres de la collection, d’ajouter 1, et de considé-
rer un facteur premier du nombre obtenu. La version analytique de l’exis-
tence et de l’unicité de la décomposition en facteurs premiers est la double
écriture de la fonction introduite par Euler et étudiée par Riemann, la
fonction ζ(s) de Riemann. C’est autour de cette fonction et de ses
variantes que se mènent les plus importantes recherches en théorie des
nombres depuis un siècle et demi. Les ressources de toutes les parties des mathématiques y contribuent.
Les perles relevées par Bruno Duchesne ne sont pas des joyaux isolés, elles concourent à une vision
d’ensemble de la place de la théorie des nombres en mathématiques.
Le mouvement brownien, dont parle Nicolas Curien, est quant à lui une création mathématique du XX
e
siècle. Il est fascinant, et l’occasion pour moi d’une réflexion sur l’origine et la portée des concepts
mathématiques. Il y en a de très anciens, juste renouvelés par le regard qu’on leur porte à présent - les
nombres premiers ont été pris en exemple.
A contrario
, il y en a aussi qui se forgent sous nos yeux, et
le mouvement brownien est emblématique à cet égard. L’objet naturel appartenait à la botanique avant
Robert Brown. Celui-ci l’a fait passer à la physique. Einstein et Smoluchowski, puis Langevin, en ont fait
la théorie physique. L’équation d’Einstein a été validée par l’expérience. Elle restait à établir comme objet
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