

350
ANS
DE
SCIENCE
45
© Fred Olivier/John Downer productions
Adulte et poussin manchots empereurs
font même des vocalises pour
communiquer avec le rover « poussin ».
D’après Le Maho,
et al. Nat Methods
2014 ; 11 : 1242-4.
© Marco Monticone
avec le risque d’abandons d’œufs. A Kerguelen, nous sommes déjà dans une phase opérationnelle.
Pour le manchot empereur, les choses se sont
révélées plus compliquées. En effet, il
ne défend pas de territoire lorsqu’il
couve œuf ou poussin, car il
ne pourrait plus se serrer
étroitement contre ses
congénères et réduire
ainsi sa dépense
d’énergie dans le froid
polaire. Cependant,
en camouflant le
rover avec un faux
petit poussin, il se
laisse approcher à
distance d’identification
électronique. Mais la
dimension d’un rover
camouflé par un petit poussin
limite le nombre des instruments
scientifiques qu’il peut embarquer. En
outre, un tel rover n’est utilisable qu’à l’époque
des petits poussins.
Il fallait donc fabriquer un faux manchot empereur adulte. L’obstacle
est de taille : impossible de le faire tenir en position verticale et
qu’il se déplace ainsi, car la vitesse du vent dépasse souvent
100 km/h en Terre Adélie. En revanche, on peut voir des
adultes se déplaçant sur le ventre en s’aidant des ailerons et
des pattes : on dit qu’ils « tobogannent ». C’est ainsi qu’est né
notre nouveau projet : dans le cadre du laboratoire international
que nous avons créé entre l’Institut pluridisciplinaire Hubert-
Curien de Strasbourg et le Centre scientifique de Monaco, et
toujours grâce au soutien de la Fondation Total, un premier prototype
a été conçu à Strasbourg. Terminé à la mi-janvier, il a été envoyé à la
base Dumont d’Urville, en Terre Adélie. Des tests sont actuellement en cours dans la colonie, tandis
que les ingénieurs travaillent à Strasbourg sur l’articulation de ses ailes et de ses pattes, qu’il est pour
l’instant incapable de mouvoir. Autre obstacle à franchir : les servomoteurs qui animent jusqu’à présent
les robots ne peuvent être utilisés, car les sons qu’ils émettent entrent dans le spectre des vocalisations
des manchots. Une nouvelle innovation méthodologique s’impose donc.