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La Lettre
© IPEV/IPHC
© Julien Courtecuisse/CNRS-IPHC
Une bague ou, mieux encore, une étiquette
électronique pour repérer les manchots
Identifier un animal individuellement et le localiser sans le perturber n’est pas simple. Pour cela, on a
pendant longtemps utilisé chez les manchots une bague à l’aileron portant des numéros facilement lisibles
à distance avec une paire de jumelles. Toutefois, comment s’assurer que la gêne hydrodynamique au
déplacement de l’animal en mer n’avait pas de conséquences délétères ? Il fallut au début des années
90 l’invention de la RFID –
radiofrequency identification
, identification par radiofréquence –, utilisant des
étiquettes électroniques de moins d’un gramme implantées sous la peau, pour disposer de vrais animaux
témoins sans gêne hydrodynamique. Grâce à la Fondation Bettencourt-Schuller, cette technologie, avant
même qu’elle soit commercialisée, nous a permis de mettre en évidence l’impact de la bague chez le
manchot royal : par rapport aux individus témoins, le succès reproducteur des individus bagués est réduit
de 40 % sur dix ans, et leur survie de 16 %. La survie à 3 ans du poussin est réduite de moitié lorsqu’il
est bagué .
L’extrême miniaturisation des étiquettes électroniques en RFID est rendue possible car elles fonctionnent
sans batteries. L’énergie est fournie par une antenne lorsque l’animal « étiqueté » se trouve à moins de
50 cm d’elle ; en retour, l’antenne récupère le numéro correspondant à l’étiquette. Depuis 18 ans, dans le
cadre de l’Institut polaire Paul-Emile-Victor, des antennes enterrées sur trois points de passages situés
dans une grande zone de la colonie de l’Île de la Possession, dans l’Archipel de Crozet, permettent
d’identifier automatiquement les manchots royaux lorsqu’ils y entrent ou en sortent. En revanche, cela ne
permet pas de les localiser au sein la colonie. On pourrait théoriquement identifier et localiser les individus
munis d’une étiquette électronique en circulant dans la colonie muni d’un lecteur RFID manuel contenant
l’antenne d’activation-détection. Toutefois, approcher ainsi de chaque animal ne peut être envisagé, car la
perturbation serait alors phénoménale.
Inspiré par l’exploration de la planète Mars, et avec des moyens fournis par la Fondation Total, nous
avons eu l’idée d’utiliser des rovers, c’est-à-dire des véhicules téléguidés. Les manchots royaux couveurs
défendent leur territoire contre le rover de la même façon que contre leurs congénères en transit dans la
colonie. En les équipant d’un enregistreur cardiaque du type de celui que l’on utilise pour le jogging, on
n’observe pas l’importante accélération de la fréquence cardiaque traduisant le stress que provoque une
présence humaine, stress qui les fait quitter leur emplacement dans la colonie, la désorganisant ainsi,