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La Lettre

© B.Eymann - Académie des sciences

Alain Fischer

Membre de l’Académie des sciences – section

Biologie humaine

et sciences médicales

–, directeur de l’Institut Imagine (université

Paris-Descartes - Sorbonne Paris Cité), professeur au Collège de

France, Paris

En 1666, Molière faisait jouer

Le Médecin malgré

lui

, reflet satirique de la médecine de son temps.

Au 19

e

siècle, l'empirisme associé à l'initiation d'une

démarche expérimentale ont permis l'émergence

progressive d'une médecine qui soigne. Au 20

e

siècle,

l'essor des sciences mathématiques (épidémiolo-

gie), physique (imagerie), chimique (médicament) et

biologique (génétique, biologie moléculaire) ont contri-

bué aux progrès de la médecine, notamment à travers une démarche réductionniste. Demain,

l'intégration des données de santé permettra peut-être une approche précise, pourvu que la dimen-

sion humaine de la médecine subsiste et que l'accès aux soins pour tous ne soit pas un vain concept.

Des débuts difficiles ?

L'année de la création de l'Académie des sciences,

Le Médecin malgré lui

constituait l’une des nombreuses

occasions utilisées par Molière pour railler l'inefficacité de la médecine. Près de 150 ans plus tard, Pierre

Simon Laplace, qui réformait l'Académie, indiquait «

Je ne mets pas les médecins à l'Académie des

sciences parce qu'ils sont des savants, mais pour qu'ils soient avec des savants

. », vision lucide – comme

l'avenir le démontra – mais cruelle d'une médecine toujours aussi peu efficace : en témoigne une espérance

de vie quasi inchangée de la préhistoire au début du 19

e

siècle. De fait, l'ère thérapeutique de la médecine

ne débute vraiment qu'avec la pénicilline et ne prendra son essor qu'au décours de la seconde guerre

mondiale, il y a 70 ans. Le spécialiste américain des sciences humaines S Shryrock écrivait en 1947 :

«

Le 19

e

siècle médical est caractérisé par un nihilisme thérapeutique destiné à perdurer jusqu'au milieu

du siècle suivant.

» La recherche médicale aura du mal à prendre son essor en France. Ainsi, à propos

d’une rencontre après guerre avec le directeur de l'Institut national d'hygiène, François Jacob écrit, dans

La statue intérieure

: «

Il ne pouvait rien pour moi, d'ailleurs la génétique ne l'intéressait pas

. » Est-ce à

dire que la médecine n'est réellement née qu'il y a 70 ans, et que les débuts en France de la recherche

médicale furent douloureux ?

D'une médecine empirique à

une médecine de précision