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La Lettre
© Archives de l'Académie des sciences
Henri Poincaré (1854-1912)
De telles aventures, avec leur lot d'observations surprenantes, de rebondissements et de révolutions
conceptuelles, se multiplièrent dans les décennies et les siècles suivants. L'un après l'autre, les problèmes
tombèrent dans l'escarcelle de ce qui peut se poser en mathématique. Au 18
e
siècle, Euler, Bernoulli
et d'Alembert se lancent à la conquête des insaisissables fluides ; il faudra presque un siècle avant
que s'imposent les équations de Navier et Stokes. Avec Condorcet, ce sont les votes et systèmes de
décision, avec Laplace les fluctuations statistiques des événements aléatoires, avec Monge la résolution
de problèmes opérationnels tels que le déplacement et réarrangement de matière au moindre coût, avec
Sophie Germain ce sont les oscillations des membranes, avec Fourier la propagation de la chaleur.
Comme le dit le slogan de Fourier : «
Et ignem regunt numeri
» – même le feu est régi par des nombres,
par des équations.
Refondations et révolutions mathématiques
Pour gagner en efficacité, la discipline doit aussi perfectionner sa structure propre et ses outils : tout au long
du 19
e
siècle se succèdent les refondations conceptuelles dues à Gauss, Legendre, Cauchy, Jacobi, Abel,
Galois, Dirichlet, Riemann, Weierstrass, Cantor, Poincaré, pour ne citer que quelques-uns. On redéfinit
l'analyse, l'algèbre, le concept même de nombre ; on fonde la géométrie non euclidienne, la topologie, la
notion d'ensemble. La théorie des fonctions complexes permet de systématiser la recherche de solutions,
et en même temps on utilise l'algèbre pour démontrer que certains problèmes ne sont pas résolubles. Avec
sa théorie des systèmes dynamiques, Henri Poincaré introduit un vaste programme d'étude qualitative des
solutions des équations différentielles qui éclaire d'un jour nouveau la mécanique de Newton.