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La Lettre
Avec Albert Einstein (1879-1955), l'année 1905 marque le retour
des particules : ses prédictions sur l'effet photoélectrique seront
confirmées dix ans plus tard par Robert Millikan (1868-1953), à son
corps défendant.
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La cause semble donc entendue, on sait désormais que la lumière est une onde électromagnétique, c'est-
à-dire des champs électriques et magnétiques vibrant de concert, perpendiculairement à la direction de
propagation. Ce sont des ondes transversales, comme les ondes de Fresnel, et l’on sait les décrire par
une théorie impressionnante à laquelle aucun phénomène ne semble pouvoir échapper. Est-ce la fin de la
recherche théorique en physique, et ne reste-t-il plus aux physiciens qu'à raffiner leurs mesures, comme
l'opticien américain Michelson l'aurait déclaré ? Il n'en est rien car, en 1900, le grand Kelvin aperçoit
deux « nuages au dessus de la théorie dynamique de la chaleur de la lumière » (Lord Kelvin.
Nineteenth
century clouds over the dynamical theory of heat and light. Philosophical Magazine Series 6
1901 ; 2 :
1-40). Ces deux nuages, qualifiés de « très denses » par Kelvin, vont conduire Einstein à poser les bases
des deux révolutions de la physique du 20
e
siècle : la relativité, bien sûr, mais aussi la physique quantique,
dans l'émergence de laquelle il jouera un rôle clé.
La dualité onde-corpuscule
Le premier article d'Einstein sur la physique quantique est publié en 1905. Il propose une hypothèse
radicale : la lumière est formée de grains, les
LichtQuanten
, qui possèdent une énergie et une quantité de
mouvement bien déterminées dépendant de la constante introduite par Planck en 1900. Ces quanta de
lumière sont aujourd'hui appelés photons. À l'aide de ce modèle, Einstein interprète l'effet photoélectrique
– l'éjection des électrons de la matière sous
l'effet de la lumière – comme une collision
photon-électron, et il en déduit l'énergie des
électrons éjectés. Parmi les publications
d'Einstein de l'époque, cet article est
certainement le moins apprécié, comme en
témoigne une phrase négative figurant dans
le rapport qui lui permettra, cependant, d'être
élu à l'Académie des sciences de Prusse en
1911. C'est pourtant cet article que retiendra
le comité Nobel en 1922, après que Millikan
ait confirmé expérimentalement la prédiction
d'Einstein pour l'effet photoélectrique, et cela
«
contrary to all my expectations
», nous dit
Millikan dans ses Mémoires (R.A. Millikan.
A
lbert Einstein on His Seventieth Birthday.
Rev Mod Phys
1949, 21 : 343).
Voici donc le modèle corpusculaire remis en selle. Mais comment rendre compte des phénomènes
d'interférences, diffraction ou double réfraction dont Young et Fresnel ont montré qu'ils ne pouvaient
s'expliquer de façon cohérente que par un modèle ondulatoire ? Comment concilier le modèle corpusculaire
avec la théorie de Maxwell, qui décrit la lumière comme une onde électromagnétique ? Einstein, admirateur