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ossier
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Les apports de l’optique adaptative
L’œil humain est un merveilleux organe, qui possède une faculté étonnante, celle d’adapter son ouverture
(iris) à l’intensité de la lumière reçue, de modifier la distance focale de sa lentille (cristallin), pour obtenir
sur la rétine l’image avec une mise au point optimale, et de laisser au cerveau, enfin, le soin de corriger
une image en mouvement permanent pour obtenir une vision stable.
De façon analogue et depuis une trentaine d’année, les astronomes sont parvenus, par l’optique adaptative,
à améliorer considérablement les images fournies par les télescopes terrestres aux longueurs d’onde de
la lumière visible ou infrarouge. Celles-ci sont en effet fortement dégradées par l’agitation atmosphérique
- effet de
seeing
- qui limite leur résolution, ou piqué. En implantant, dès les années 1990, un dispositif
adaptatif sur l’un des télescopes de 8,2 m de diamètre du
Very Large Telescope
(VLT) européen (Chili), le
piqué des images a été amélioré d’un facteur 20 environ. En outre, un tel dispositif permet la combinaison
interférométrique de la lumière issue de plusieurs de ces quatre télescopes, ce qui a permis de gagner un
nouveau facteur 10 sur la résolution, qui peut alors atteindre 2 millisecondes d’angle. La seule limitation
au piqué provient alors du diamètre du télescope (limite de diffraction) ou, s’agissant de l’interféromètre,
de la distance maximale entre les télescopes combinés. La nouvelle génération de télescopes géants en
construction (
Extremely Large Telescope
,
ELT
), atteignant un diamètre de 39 m pour le projet européen
au Chili (opérationnel vers 2024), ne serait pas concevable sans optique adaptative. Les raffinements de
cette technique sont multiples : il est ainsi possible de créer des étoiles artificielles en inscrivant, à l’aide
d’un puissant laser, des points lumineux sur une couche de sodium atmosphérique, vers 90 km d’altitude.
Quand aucune étoile naturelle suffisamment brillante n’est disponible dans la direction visée, alors l’étoile
artificielle permet la mesure des perturbations atmosphériques et leur correction par l’optique adaptative.
Deux des résultats les plus spectaculaires obtenus ces dernières années avec le VLT européen, grâce
à l’optique adaptative, sont la découverte et la confirmation de l’existence d’une exoplanète autour de
l’étoile β Pictoris, ainsi que la mise en évidence de la présence d’un trou noir massif (3,7 millions de fois
la masse du Soleil) au centre de notre Galaxie.
Après les premiers prototypes des années 1990, les systèmes d’optique adaptative ont considérablement
gagné en complexité, ainsi qu’en performances. Ainsi, l’instrument SPHERE, qui a été installé en 2014
sur le VLT, donne déjà de premiers résultats remarquables, avec notamment la récente découverte
d’un extraordinaire phénomène autour de l’étoile
AU Microscopii
, située à 32 années-lumière du Soleil,
connue pour posséder en orbite autour d’elle un disque de poussières et de gaz susceptible de former des
exoplanètes. Ce disque, observé avec SPHERE et qui se présente vu par la tranche, a révélé de rapides
et mystérieuses oscillations jamais observées ailleurs .
L’optique adaptative est loin d’avoir atteint ses limites. Née en astronomie, elle est désormais utilisée
en ophtalmologie et en microscopie, forçant habilement la lumière reçue à livrer toutes les informations
qu’elle contient.