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La Lettre
La lumière pour explorer les quatre infinis
Les quatre infinis considérés dans ce dossier correspondent aux quatre cas limites des inégalités du
spectre de Fourier :
●
l’infiniment petit et la plus haute résolution spatiale : l’angle solide occupé par un faisceau laser peut
être élargi sans perte de cohérence spatiale, de sorte que la surface de la tache focale peut être
réduite à
λ
2
, ce qui correspond à une focalisation extrême. C’est la limite de résolution décrite par
Ernst Abbe en 1873, puis raffinée par Lord Rayleigh en 1896. Jean-Jacques Greffet explique dans
son article comment repousser cette limite de la longueur d’onde et permettre ainsi l’exploration de
dimensions spatiales nanométriques ;
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l’infiniment grand et l’exploration de l'Univers par les astronomes : à l’inverse, augmenter le diamètre
d’un faisceau permet de réduire sa divergence et de résoudre angulairement des points sources
très éloignés. C’est toute la démarche des astronomes lorsqu’ils augmentent la taille de leurs
télescopes, organisent leur mise en phase ou corrigent les fronts d’onde grâce à l’optique adaptative.
La cohérence spatiale des faisceaux lumineux est ici encore le facteur primordial. Les exploits récents
des astronomes seront décrits par Pierre Encrenaz et ses confrères : gravitation et lumière s’y
retrouvent avec les mirages gravitationnels, les trous noirs, la matière noire et les découvertes de la
mission Planck sur la cosmologie primordiale, qui nous seront présentées par Jean-Loup Puget. La
croissance des toutes premières galaxies échappant à l'appétit vorace des trous noirs massifs nous
sera exposée par Françoise Combes. L’aventure toute récente de l’imagerie directe des exoplanètes
nous sera contée par Anne-Marie Lagrange, pionnière du domaine. Elle fait appel aux progrès les
plus récents de l’optique adaptative et de la coronographie détaillés respectivement par Pierre Léna
et Daniel Rouan ;
●
l’infiniment court et la plus haute résolution temporelle : augmenter la largeur spectrale d’une source
cohérente permet de fabriquer des impulsions de plus en plus courtes. C’est la démarche qui nous
est proposée par Daniel Kaplan, avec les lasers femtosecondes, et par Anne L’Huillier, pour voir la
dynamique interne des atomes au moyen des impulsions de lumière attosecondes. Les impulsions
courtes donnent accès aux grandes puissances instantanées et à bien des applications : l’optique
non linéaire, la génération d’harmoniques et les mélanges de fréquences, l’accélération de particules
chargées par la lumière, etc.;
●
l’infiniment long et le temps atomique : la largeur spectrale des lasers peut au contraire être
extraordinairement réduite pour obtenir un rayonnement quasi monochromatique dont la
phase temporelle se conserve sur des durées extrêmement longues. La fréquence peut être
facilement asservie à une fréquence atomique parfaitement stable et reproductible, et constituer
ainsi une horloge optique très stable pour garder le temps
ad vitam aeternam
. Il s’agit d’une
spécialité du SYRTE, à l’Observatoire de Paris, qui nous sera présentée par Sébastien Bize.
À noter que, sans violer les inégalités de Fourier, le spectre peut être très large tout en étant constitué par
un peigne de composantes très étroites, individuellement quasi monochromatiques et de fréquences
très bien contrôlées. C’est ce qui est réalisé dans les lasers femtosecondes à modes verrouillés en
phase, qui permettent le raccordement direct des fréquences optiques et des fréquences microondes
et leur mesure très précise (prix Nobel 2005 de Hall et Haensch).