

D
ossier
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Utilisation du laser
femtoseconde en métrologie des fré-
quences optiques
Un laser femtoseconde délivre un train d’impulsion
laser avec un taux de répétition f
r
. Le spectre
correspondant est un peigne de fréquence espacé
de f
r
, auquel il faut rajouter un décalage de
fréquence global f
0
. L’autoréférencement permet
d’accéder à f
0
et le taux de répétition se mesure
directement en détectant le train d’impulsion. La
fréquence de chaque dent du peigne est alors
entièrement déterminée par l’équation très simple
f(k)=k× f
r
+ f
0
. Une fois f
0
et f
r
connues, le peigne
constitue un ensemble de références ultraprécises
par rapport auxquelles on peut, en principe, mesurer
autant de laser que l’on veut. L’invention et la
démonstration de cette méthode sont à l’origine
du prix Nobel de physique attribué à T. Hänsch et
J. L. Hall en 2005.
© Sébastien Bize
Principe de la géodésie chronométrique
Un des aspects essentiels de relativité générale
d’Einstein est la modification de la structure de
l’espace-temps au voisinage des objets massifs.
Une des manifestations de cette modification est
le déplacement gravitationnel vers le rouge : deux
étalons de fréquence identiques situés dans des
potentiels de gravitation différents semblent avoir
des fréquences différentes lorsqu’ils sont comparés
à distance. Le terme de déplacement gravitationnel
vers le rouge vient de ce que l’étalon qui se trouve
dans un potentiel plus élevé semble avoir une
fréquence plus basse, et ce déplacement vers une
fréquence plus basse correspond à une couleur
plus rouge quand l'on part d’une longueur d’onde
optique visible. La différence relative entre les deux
fréquences est indépendante de la nature des
étalons. Elle est directement liée à la différence de
potentiel de gravitation au niveau des deux horloges,
comme l’indique l’équation de la figure ci-contre,
qui représente deux horloges optiques distantes
comparées à l’aide d’un lien optique fibré. On peut
ainsi utiliser les comparaisons d'horloges à distance
comme un nouvel outil de connaissance du potentiel
de gravitation pour la géodésie et les sciences de
la Terre. Une comparaison des fréquences avec
une incertitude relative de 10
-18
permet de mesurer
directement la différence de potentiel à un niveau
équivalent à 1 cm.
œuvre un peigne de fréquence optique faisant appel à un laser femtoseconde (
voir p 32
), afin de transférer
la stabilité de fréquence entre cette longueur d’onde et la longueur d’onde des transitions utilisées dans
les étalons de fréquence.
Vers une redéfinition de la seconde et de nouvelles applications
Grâce à tous ces développements, une métrologie du temps et de la fréquence entièrement située dans
le domaine optique a émergé, surpassant de plusieurs ordres de grandeurs les approches fondées sur
les fréquences microondes. Cela dessine la perspective d’une redéfinition de la seconde du système
international d’unité à partir de transitions optiques et de progrès importants de toutes les applications des
étalons de fréquence ultraperformants.
De plus, l’amélioration considérable de la performance peut être directement à l’origine de nouvelles
applications. Ainsi, une comparaison à distance d’étalons de fréquence optique à 10
-18
permet de mesurer
la différence de potentiel gravitationnel à un niveau équivalent à 1 centimètre, ce qui laisse envisager de
manière concrète la géodésie chronométrique et le développement d’une nouvelle gamme d’applications
des étalons de fréquence ultraperformants dans le domaine des sciences de la Terre.