La Lettre de l'Académie des sciences n°33 - page 33

D
ossier
33
Les travaux de Lagrange sur la dyna-
mique céleste ont donné lieu à l’appellation
points de Lagrange
conférée à des points
d’équilibre où les forces gravitationnelles et
centrifuges s’annihilent pour un système à
trois corps, dans un repère tournant, dans
lequel le troisième corps a une masse
négligeable (comme un engin spatial par
rapport à la Terre et au Soleil). Les proprié-
tés dynamiques de ces points en font des
emplacements privilégiés pour les satellites
astronomiques. Le satellite d’observation
astronométrique Gaia sera ainsi mis en
place au point L2 du système Soleil-Terre,
un point d’équilibre instable nécessitant une
stabilisation à l’aide de la théorie du contrôle.
Les points de Lagrange
© Collections École polytechnique - Palaiseau
La contribution des académies
Si les réseaux de la
République des lettres
résonnent avec notre Internet actuel, les corres-
pondants de Lagrange ne sont pas disséminés
au hasard des chemins : ils sont attachés à des
lieux de sciences très particuliers, les académies.
Lagrange lui-même participe à la fondation de ce
qui deviendra l’Académie de Turin, avant que le roi
de Prusse l’appelle à l’Académie de Berlin, puis le
roi de France à celle de Paris.
Interfaces entre grandes villes européennes et
nœuds de réseaux épistolaires, les académies
ont joué un rôle important dans l’émergence de
la presse scientifique. La frontière entre lettre
et article est en effet poreuse au XVIII
e
siècle :
de nombreuses missives sont imprimées dans
des journaux académiques tels que les
Miscel-
lanea Taurinensia
, que Lagrange contribue à
fonder et dans lequel il publie sa première étude
des petites oscillations en 1766.
Plus généralement, les académies jouent,
sous l’Ancien régime, un rôle central dans les
interactions entre sciences, techniques et
société. Elles accordent des salaires permet-
tant à leurs pensionnaires de se consacrer à
temps plein à la science, mais elles sont aussi
étroitement liées au pouvoir politique. À Berlin,
Frédéric II de Prusse se veut ainsi le « plus
grand roi d’Europe » en accueillant le « plus
grand mathématicien d’Europe ». L’instauration
du système des « concours » stimule l’intérêt
des scientifiques pour le bien public en mettant
à prix des problèmes aussi bien pratiques que
plus théoriques dont certains, notamment en
mécanique céleste, sont des enjeux de prestige.
1...,23,24,25,26,27,28,29,30,31,32 34,35,36,37,38,39,40,41,42,43,...44
Powered by FlippingBook