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La Lettre
© B.Eymann - Académie des sciences
Bernard Meunier
Président de l’Académie des sciences, directeur de recherche
émérite au CNRS
Un soir, Louis XIV s’endort loin de la foule des courtisans,
il se sent seul comme un naufragé au milieu de l’océan.
Soudain, une petite voix le réveille et lui dit : «
Sire, s'il
vous plaît... dessine-moi une Académie !
» Le roi écoute
le Petit Prince et lui dit : «
Mais j’en ai déjà une, faite par
mon père en 1635, elle s’occupe très bien de notre belle
langue française
. » «
Je sais
», dit le Petit Prince, «
mais
il en faut une autre, qui s’occupera des sciences, avec
des savants qui nous parleront du monde, des planètes,
des plantes, des animaux, des maladies et aussi des machines à créer pour rendre votre royaume
plus grand, plus fort.
» Le roi est convaincu. Nous sommes en l’an 1666, il demande à Colbert de
s’occuper de la création de l’Académie royale des sciences.
Un recrutement fait d'excellence
En fait, il n’existe pas de documents historiques permettant de savoir comment Louis XIV a pris sa
décision : une seule chose est certaine, l’Académie des sciences existe depuis 350 ans ! Le jeune roi,
28 ans en 1666, est soucieux du rayonnement de la France, que ce soit dans la recherche des frontières
naturelles ou dans le soutien à la création artistique, dans tous les domaines : l’architecture, la peinture, le
théâtre et la poésie. En son début de règne, il manque un groupe de savants, capables de développer les
mathématiques et la physique, ce dernier mot couvrant, au milieu du 17
e
siècle, non seulement la physique
d’aujourd’hui, mais aussi la chimie, les sciences de la nature et la médecine. Des savants français comme
Descartes et Pascal, décédés respectivement en 1650 et 1662, n’ont pas été remplacés et l’Angleterre
vient de créer, en 1660, une société savante qui prend immédiatement une place importante en Europe :
la
Royal Society
.
Il est urgent pour la royauté française d’afficher sa préséance continentale. Colbert mandate son
bibliothécaire, Pierre de Carcavi, mathématicien formé par Pierre de Fermat, pour recruter un savant
reconnu par ses pairs en Europe, capable d’animer une académie des sciences à Paris. Le choix se
Dessine-moi une Académie !