Gérard Orth
7 février 1936 - 4 septembre 2023
L'Académie des sciences a le profond regret de faire part du décès de Gérard Orth, survenu le 4 septembre 2023 à l’âge de quatre-vingt-sept ans. Il était directeur de recherche émérite au CNRS et professeur émérite à l’Institut Pasteur. Il avait été élu correspondant de l’Académie dans la section de biologie moléculaire et cellulaire, génomique le 6 mai 1996, puis membre le 30 novembre 2004.
Notice nécrologique
Gérard Orth, né en 1936, était ancien élève de l'École nationale vétérinaire d'Alfort. Chercheur à l'Institut Gustave Roussy à Villejuif de 1961 à 1979, il a été invité par François Gros à rejoindre l’Institut Pasteur et diriger l'Unité des papillomavirus de 1980 à 2003. Il a dirigé l'Unité 190 "Oncologie virale humaine et comparée" de l'Inserm de 1980 à 2000.
Gérard Orth a été distingué par de nombreux prix : Prix Antoine Lacassagne de la Ligue nationale contre le cancer (1982), Prix Rosen de la Fondation pour la recherche médicale (1982), Médaille d'argent du CNRS (1983), Prix Robert Koch, Robert-Koch Stiftung (1985), Prix Henry et Mary-Jane Mitjavile de l'Académie nationale de médecine (1988), Prix Léopold Grifuel de l'Association pour la recherche sur le cancer (1997) etc.
Il a été membre de l'Academia Europaea (1995), membre associé étranger de l'Académie polonaise des sciences (1997) et membre de l'Académie vétérinaire de France (2003). Il était Chevalier de la Légion d'Honneur.
Sa carrière scientifique a été consacrée à l’étude du rôle de virus dans la genèse du cancer chez l’animal et surtout chez l’Homme.
Il s’est tout d’abord intéressé au virus de papillome de Shope, une cause de lésion cancéreuse chez le lapin Cotton tail. Il a montré par des hybridations insitu que le génome viral est présent dans les lésions tumorales. Il a ensuite étudié les Papillomavirus (PV) chez l’Homme. Il a démontré la grande multiplicité des espèces de ce virus chez l’Homme et a avancé l’hypothèse du rôle clé de cette classe de virus dans le cancer humain, surtout le cancer du col de l’utérus chez la femme (conférence à Cold Spring Harbor, 1977).
Son laboratoire a isolé et caractérisé plusieurs espèces de Papillomavirus associées au cancer du col de l’utérus. Ces génomes ont servi de base pour des "kits" de diagnostic des infections virales chez les femmes.
Gérard Orth a œuvré dans le milieu médical français et a collaboré avec des dermatologues et des gynécologues pour prendre connaissance du rôle de Papillomavirus dans la genèse du cancer et pour développer le diagnostic de ces infections en France.
Il a noué une collaboration fructueuse avec le Professeur Jablonska à Varsovie pour étudier une maladie humaine rare, l’Epidermodysplasie verruciforme (EV), une maladie autosomique récessive cutanée, associée à un risque élevé de développer un carcinome cutané. Il a identifié l’espèce de Papillomavirus spécifique à cette maladie et a identifié les gènes humains touchés par mutations chez ces malades. Il a mis en évidence ainsi deux gènes qui font partie d’un complexe moléculaire crucial pour l’immunité cutanée contre des infections virales.
Dans un autre domaine, ses études de vaccination anti Papillome de Shope chez le lapin ont contribué au développement de la vaccination ultérieure chez les jeunes filles.
Gérard Orth a coordonné avec Philippe Sansonetti la rédaction d’un rapport de l’Académie des sciences sur la maitrise de maladies infectieuses, dans le contexte du concept "Une santé, une médecine", et celle d’un rapport de l’Académie vétérinaire de France sur la recherche dans les Écoles nationales vétérinaires. Il a participé à l’organisation de nombreux colloques à l’Académie sur la virologie et sur le rôle de virus dans le cancer chez l’homme.
À l’international, il a co-organisé plusieurs congrès internationaux sur le Papillomavirus et était reconnu comme un des précurseurs et moteurs dans ce domaine biomédical.
Après sa retraite officielle, il a poursuivi une activité débordante, en partie en collaboration avec Jean-Laurent Casanova sur les facteurs génétiques qui contrôlent la susceptibilité aux infections par le Papillomavirus.
Il a été l’exemple d’un chercheur passionné qui a dédié sa vie à l’avancement de nos connaissances sur la relation entre infections virales et le cancer et à l’amélioration de la prévention de ce cancer très fréquent par le diagnostic précoce et la vaccination.
Avec notre profond regret.
Le Bureau de l’Académie des sciences