Roland Douce

Roland Douce
18 mai 1939 - 3 novembre 2018

L'Académie des sciences a le profond regret de faire part du décès de Roland Douce, survenu le 3 novembre 2018, à l'âge de soixante-dix-neuf ans. Il avait été élu correspondant de l’Académie le 11 juin 1990, puis membre le 28 octobre 1996, dans la section de Biologie intégrative.



Notice nécrologique

Roland Douce est décédé le 3 novembre 2018. Il était un scientifique de très grande classe qui avait su créer à Grenoble une école de Biologie du chloroplaste et de la mitochondrie de renommée mondiale, où dialoguaient physiologistes, biochimistes, biologistes moléculaires et biophysiciens.

Roland avait débuté sa carrière à Paris, à la Sorbonne, en 1961, comme assistant puis comme maitre-assistant avant de prendre un poste de professeur à Grenoble en 1974. Il avait été post-doc 2 ans à Philadelphie à la Johnson Research Foundation chez Walter D Bonner, puis assistant-professeur à l’université de San Diego pendant deux autres années dans le prestigieux laboratoire d’Andrew Benson, l’un des laboratoires phares de la photosynthèse.

Il a consacré ses premiers efforts à la purification des organites cellulaires chloroplastes et mitochondries. Ses protocoles ont été repris par de nombreux chercheurs et ont permis d’aborder l’étude de la constitution des divers compartiments de ces organites: membrane externe et interne de l’enveloppe, stroma, thylacoïdes. Il fera des contributions majeures en déterminant la composition lipidique si caractéristiques des enveloppes des chloroplastes et analysera la biosynthèse des galactolipides, des pigments et des prénylquinones, puis la nature de complexes protéiques mitochondriaux impliqués dans la photorespiration tels que le complexe glycine-decarboxylase. Avec son équipe, il en analysera la composition en sous-unités, clonera les gènes correspondants et cristallisera le complexe. Ses travaux sur le métabolisme des aminoacides soufrés et des vitamines ont montré l’extrême complexité de ces mécanismes chez les plantes et l’existence d’un dialogue entre chloroplastes, mitochondries et cytoplasme. En section, il nous parlait souvent avec passion de ses recherches : la façon dont le folate (vitamine B12) était synthétisé au travers d’une collaboration entre tous les compartiments cellulaires devenait tout bonnement fascinante. Il était un défenseur infatigable d’une biochimie de pointe, complément indispensable pour donner un sens à la biologie moléculaire et à la génomique naissante. Ses travaux sur un certain nombre d’enzymes, sur les voies de biosynthèse des acides aminés et des vitamines l’avait conduit à interagir avec des partenaires privés et il a été à l’origine d’une unité mixte entre le CNRS et Rhone-Poulenc Agrochimie. Il poussait ses travaux aussi loin que possible pour percer les mécanismes moléculaires du métabolisme, recourant aux outils de la biologie moléculaire, de la biophysique, de la RMN ou de la cristallographie au travers de collaborations. Il était l’auteur de plus de 200 articles dans des journaux internationaux à comité de lecture ainsi que de plusieurs livres et articles de revue qui faisaient autorité.

Roland était un enseignant remarquable, enthousiaste, capable de passionner ses étudiants pour le métabolisme cellulaire et la biochimie. Nombre de membres de la communauté végétaliste lui doivent leur vocation pour les plantes et gardent un souvenir très présent de ses cours.

Il a occupé des responsabilités importantes et, de ce fait a contribué à façonner le paysage de la biologie végétale en France. Outre un passage au comité national du CNRS, il a été chef du département de physiologie végétale à l’INRA, conseiller scientifique au CEA et à l’INRA, directeur des recherches à l’ENS de Lyon, directeur de l’Institut de Biologie Structurale de Grenoble. Il a été professeur associé à Oxford. Il était membre de l’institut Universitaire de France et membre étranger de la National Academy of Sciences des USA. Il avait reçu la médaille d’argent du CNRS en1982, était officier de la Légion d’Honneur et commandeur de l’ordre national du Mérite. Il avait été élu correspondant de notre Académie en 1990, puis membre en 1996. Il y a joué un rôle particulièrement actif, occupant les fonctions de délégué de section, participant à la rédaction de plusieurs rapports, dont un sur les OGM qui lui a valu des menaces de mort de la part des activistes. Cela l’avait profondément affecté, mais il avait tenu bon, avec ses convictions et sa confiance dans la science. Il avait aussi organisé une remarquable séance sur les origines de la vie qui a donné lieu à un ouvrage récemment publié.

Sur Grenoble il a joué un rôle important dans la structuration de la communauté scientifique, sans se limiter au domaine de la physiologie végétale. Il a redonné vie au jardin botanique du Lautaret, encourageant plusieurs de ses élèves et collaborateurs à s’y investir. Roland avait un amour passionné pour la montagne qu’il aimait partager et, à deux reprises, il avait organisé des réunions de notre section au col du Lautaret ou dans le Vercors.

Nous garderons en mémoire toutes ces images d’un scientifique brillant, apprécié de tous, d’un confrère généreux, chaleureux, toujours curieux et à l’écoute, prêt à faire partager sa passion pour la biologie végétale et la nature.

Michel Delseny, Délégué de la section Biologie Intégative.

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