Yves Chauvin

10 octobre 1930 - 27 janvier 2015
Hommage à Yves Chauvin
Notice nécrologique
Yves Chauvin, élu correspondant de l'Académie le 15 avril 1996 puis membre le 29 novembre 2005 dans la section Chimie, est décédé à Tours le 27 janvier 2015 à l'âge de 84 ans.
Pour ses collègues et amis, le décès d'Yves Chauvin est encore impensable. Sa modestie exceptionnelle associée à sa valeur scientifique sans égal, font de lui un homme inégalable. Il a dominé le domaine de la catalyse homogène au point que son nom en était devenu synonyme.
Yves Chauvin est né en 1930 en Belgique, et en 1954 il a obtenu son diplôme d'ingénieur de l'École Supérieure de Chimie Industrielle de Lyon. A sa sortie de l'école, il rejoint le groupe Progil (Rhône-Poulenc) à Lyon pendant 2 ans avant d'entrer à l'Institut Français du Pétrole (Rueil-Malmaison) en tant que spécialiste de catalyse homogène, domaine qu'il ne quittera pas durant 40 années. Il y est nommé rapidement « Directeur du Laboratoire de Catalyse Homogène », responsabilité qu'il assumera jusqu'à son départ à la retraite. Il entre à l'Académie des sciences en 1996 et reçoit plusieurs prix internationaux dont la Médaille Karl Engler qui lui a été décernée en 1975 par la D.G.M.K. En 2005 lui fut décerné le prix Nobel de Chimie avec Robert Grubbs et Robert Schrock des USA.
Yves Chauvin est l'auteur de 103 publications et de 130 brevets, signe de cette ambivalence de ses centres d'intérêt entre recherche fondamentale et recherche appliquée. Ses travaux fondamentaux l'ont conduit à découvrir le mécanisme de la réaction de métathèse des oléfines. Il est le père de 4 procédés industriels dont 2 majeurs de l'industrie pétrolière (avec l'IFP) qui font appel à la catalyse homogène (fait extrêmement rare pour être souligné ici) : - le procédé « Dimersol », récemment couplé avec un second nouveau procédé dit « Diphasol » et - le procédé « Alpha-Butol », (au total plus de 4 millions de tonnes/an de capacité mondiale, rivalisant avec le procédé Oxo au rhodium, qui était jusqu'alors le procédé de catalyse homogène le plus répandu au monde). La reconnaissance internationale d'Yves Chauvin était déjà bien établie dans les milieux spécialisés de la chimie et de la pétrochimie avant qu'il n'obtienne le Prix Nobel, mais sa modestie exceptionnelle lui faisait refuser toute forme d'honneur.
Mais Yves Chauvin est avant tout un homme d'une rigueur expérimentale exceptionnelle et c'est cette rigueur associée à une connaissance extrêmement large, une curiosité associée à une avidité d'apprendre surprenante et une intuition remarquable qui lui ont fait découvrir le mécanisme de la métathèse des oléfines bien avant que d'autres redécouvrent le même mécanisme beaucoup plus tard. Le mécanisme qu'il a découvert est d'une élégance et d'une simplicité telles qu'il est presque obligatoire qu'il figure dans les livres d'enseignement universitaire.
Yves Chauvin n'était pas seulement un scientifique hors du commun qui a poussé les frontières de la science, mais était aussi un bon vivant qui poussait les frontières de la jeunesse en marchant régulièrement ses 15 kms. Il était aussi un intellectuel de classe. Il était peut être le seul français qui lisait quotidiennement les Chemical Abstracts. Son amour pour la science était infatigable. Deux fois par semaine, il se levait à 5h du matin à Tours pour rejoindre par le TGV le laboratoire à Villeurbanne que je dirigeais, pour superviser thèses et PhD, et ceci pendant plus de 10 ans. Sa modestie ne cessait d'être exemplaire au point que le jour de l'annonce de son Nobel, il était au laboratoire en train de travailler alors que les journalistes attendaient dehors pour l'interviewer.
La France, le monde, la chimie ont perdu un grand homme de science et une grande personnalité humaine. Il va nous manquer énormément, tant par son humanisme que par son génie et son intuition scientifiques.
Jean-Marie Basset, février 2015
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