Jean-François Denisse

Jean-François Denisse
16 mai 1915 - 17 novembre 2014

Notice nécrologique

Jean-François Denisse, né le 16 mai 1915 à Saint-Quentin, élu membre de l'Académie le 30 octobre 1967, est décédé à Paris le 17 novembre 2014 à l'âge de 99 ans. C'est dans le Midi qu'il passa une grande partie de sa jeunesse ; il accompagnait souvent son père, peintre, dans les collines de Provence, et il garda toute sa vie, de ses expériences d'enfant, une remarquable ouverture d'esprit. Il entre à l'École normale supérieure en 1936 et passe l'agrégation des sciences physiques en 1941. Il devient alors professeur de physique au lycée de Dakar. Revenu en France en 1946, il entre au laboratoire de physique de l'École normale supérieure, et entreprend une thèse sous la direction d'Yves Rocard. C'était une époque de réveil de la science mondiale. Impressionné par les progrès, en Australie ou en Grande-Bretagne de la jeune radioastronomie, il s'y intéresse vite; et avec des moyens encore rudimentaires, et les forces de la théorie, il étudie l'activité de la couronne solaire, observable notamment dans les ondes centimétriques et décimétriques ; il perfectionne sa connaissance des antennes et des récepteurs au National Bureau of Standards à Washington (1948-49) et soutient une belle thèse sur l'activité solaire en 1950.

Dès lors, c'est la naissance, puis l'extension de la radioastronomie en France. À l'École normale, Denisse constitue son équipe, dont les pionniers furent J.E. Blum et J. L. Steinberg. On installe des antennes sur le site de Marcoussis, on observe le Soleil. Un retour comme professeur à l'école des Hautes Etudes de Dakar (1951-53) permet à l'équipe de continuer les observations du Soleil en Afrique, notamment au cours d'éclipses partielles. Mais la radioastronomie appartient à l'astronomie. En 1953, André Danjon confie à Denisse la création à Meudon du service de Radioastronomie, qui deviendra vite, avec de nombreux chercheurs de classe internationale, un centre réputé de cette discipline. Dès 1956, on installe, loin des concentrations urbaines, le site solognot de Nançay. De grands instruments sont construits, et l'activité est foisonnante. Denisse lui-même se consacre plus à la théorie qu'aux observations; il publie avec J.L.Delcroix, un petit livre de référence, la "Théorie des ondes dans les plasmas", et réfléchit aussi à l'avenir des théories cosmologiques.

Mais les qualités humaines de Denisse, autant que son aura scientifique l'appellent à un rôle différent. En 1961, il succède à Danjon comme Directeur de l'Observatoire de Paris. Si c'est une période qui s'achève, c'est aussi celle de l'extension considérable de l'Observatoire, particulièrement vers l'astrophysique. En 1968, Denisse fonde l'Institut national d'astronomie et de géophysique (INAG) (ancêtre de l'actuel INSU). Après avoir présidé la Commission de Radioastronomie de l'Union Astronomique Internationale, il préside le CNES de 1967 à 1973, et de 1978 à 1982, le COSPAR.

Bien entendu, Denisse a reçu de nombreuses distinctions, de nombreux prix, et il appartient à plusieurs Académies. Il est (notamment) membre de l'Académie des Sciences depuis 1967, membre titulaire du Bureau des longitudes (qu'il préside en 1974-75), de l'Académie internationale d'Astronautique, de l'Academia Europaea.

Ce trop bref exposé met en valeur l'influence profonde qu'a eu J.-F Denisse sur la vie scientifique française et internationale. Mais il était aussi un homme aux intérêts et aux talents multiples, d'une grande jeunesse d'esprit. Je me permets ici d'évoquer les parties de tennis jouées sur les toits des labos de l'Ecole Normale et, plus tard, les soirées estivales du Tamisier au Cap d'Antibes, où, dans sa maison champêtre, avec sa famille si accueillante, nous dansions le Quadrille des Lanciers… Jean-François Denisse était un savant créatif, un humaniste souriant, un homme enfin, dont on gardera longtemps le précieux souvenir.

Jean-Claude Pecker, novembre 2014

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