Jacques Friedel

Jacques Friedel
11 février 1921 - 27 août 2014

Notice nécrologique

Jacques Friedel, élu membre de l'Académie dans la section de physique le 17 janvier 1977 est décédé le 27 Août 2014 à l'âge de 93 ans.

Né le 11 février 1921 à Paris, Jacques Friedel est ingénieur du corps des mines de Paris en 1948. Il se lance aussitôt dans une carrière de recherche dans le laboratoire du professeur Nevill Mott à Bristol et présente en 1952 un PhD sur l'étude de l'écrantage du champ électrique produit par une impureté isolée dans un métal simple poursuivi par une thèse de doctorat es Sciences à Paris en 1954. Jacques Friedel était depuis 1989 professeur émérite à l'université Paris-Sud à Orsay où il a fondé en 1959 le Laboratoire de physique des solides avec André Guinier, et Raimond Castaing.

L'activité scientifique de Jacques Friedel a été guidée par le souci constant d'un contact étroit avec l'expérience, adepte des modèles simples et intuitifs. Il reste l'un des fondateurs de la théorie de la structure électronique des métaux et alliages. Ses travaux constituèrent une percée intellectuelle considérable et devinrent même l'un des fondements de la théorie quantique moderne des métaux et alliages. L'oscillation de densité électronique autour d'une impureté qui porte son nom reste un concept fondateur de la recherche actuelle sur les métaux et alliages. Par la suite, Jacques Friedel s'est intéressé aux problèmes encore plus délicats de la structure électronique des métaux de transition tels que le fer et le nickel. Grâce à l'introduction d'approximations judicieusement pensées, il a réussi à comprendre les propriétés essentielles de ces matériaux qui sont d'une extrême importance sur le plan technologique. Dans de nombreux domaines devenus particulièrement populaires par la suite Jacques Friedel a joué un rôle de précurseur. Il suffit de ne citer que la théorie des supraconducteurs intermétalliques utilisés actuellement dans toutes les applications de la supraconductivité et ses travaux sur les agrégats métalliques qui ont préfiguré la nano physique. Un autre volet des travaux scientifiques de Jacques Friedel a trait à la compréhension des propriétés mécaniques des solides (plasticité, ductilité, fragilité) introduisant de la théorie (dislocations) dans un domaine resté très empirique concrétisé par un ouvrage qui fait autorité dans ce domaine.

Le laboratoire que Jacques Friedel a cofondé à Orsay avec la création du DEA de Physique des solides a eu un impact considérable sur le développement de la science française des cinquante dernières années, formant d'excellents étudiants et postdocs qui ont à leur tour crée des groupes de recherche en province ou à l'étranger. Ce laboratoire s'est vu distingué par l'attribution du prix Nobel de Physique à deux chercheurs qui en sont issus.

Les qualités exceptionnelles de Jacques Friedel comme leader et autorité scientifique apparaissent aussi de manière éclatante dans les fonctions assumées comme Président du Comité Consultatif auprès du gouvernement français pour la recherche scientifique et la technologie de 1979 à 1982 et comme conseil auprès du gouvernement français.

Son profond ancrage dans la physique française ainsi que sa vaste connaissance des travaux mondiaux ont eu un effet des plus stimulants aussi bien en France qu'à l'étranger durant les cinquante dernières années. Il a été l'un des fondateurs et président de la Société Européenne de Physique.

Le CNRS lui a décerné en 1967 sa médaille d'or et la Société française de physique sa plus haute distinction, le prix Holweck. Il fut président de notre Académie de 1992 à 1994 et Président de l'Institut. Il était membre étranger de la Royal Society, de la National Academy of Sciences, des Académies Royales de Suède et de Belgique et docteur honoris causa de plusieurs universités étrangères.

Denis Jérome, septembre 2014