Howard Green

10 septembre 1925 - 31 octobre 2015
Notice nécrologique
Howard Green est né le 10 septembre 1925 à Toronto où il a fait ses
études médicales pour se consacrer ensuite à la recherche. Après avoir servi
dans l’armée américaine au cours de la seconde guerre mondiale, il entreprit
ses premières recherches indépendantes à l’École de Médecine de l’Université
de New York où il a occupé un poste de Professeur et Chairman du
département de Biologie cellulaire de 1954 à 1970. Il passa ensuite 10 années
comme professeur à l’Institut de Technologie du Massachussetts (MIT) à
Boston avant d’être nommé professeur de biologie cellulaire et Chairman du
département de Physiologie cellulaire et moléculaire de 1980 à l993 à l'École
de médecine de l’université de Harvard. Il fut élu associé étranger de
l'Académie des sciences le 27 mars 1995 dans la section de biologie
moléculaire et cellulaire, génomique. Le Pr. Howard Green nous a quittés le 31 Octobre 2015. Son oeuvre
scientifique fut particulièrement innovante. Il fut le premier à obtenir la survie et la croissance des cellules
épithéliales constituant l’épiderme en culture in vitro et à caractériser les cellules souches qui le
renouvellent sans cesse.
Dans les années 1960-1970, on cherchait à maintenir les cellules in vitro afin de disposer de cellules
homogènes en quantités assez abondantes pour qu’il soit possible de les étudier. L’un des buts de ces
travaux était de déterminer les caractères propres aux cellules cancéreuses. Il apparut rapidement qu’un
caractère distinctif des cellules normales et des cellules cancéreuses était que les premières ne pouvaient
accomplir in vitro qu’un nombre limité de cycles de division après quoi elles mouraient. Les cellules
cancéreuses au contraire étaient capables d’une croissance illimitée ; elles étaient immortalisées,
possédaient un caryotype anormal et formaient des tumeurs invasives lorsqu’elles étaient injectées à une
souris de la même souche et donc histocompatible. D’autre part, on savait, depuis les années 1950,
transformer des cellules normales de type fibroblastique (qui constituent le tissu conjonctif) en cellules
cancéreuses en les infectant par un virus oncogène comme celui du polyome. Howard Green s’est engagé
dans la voie ainsi ouverte dans le but de rechercher les causes du cancer. C’est alors qu’il démontra que la
transformation d’une cellule normale en cellule cancéreuse s’effectue en deux étapes : la première confère
aux cellules, dont le caryotype est anormal, la capacité de proliférer d’une manière ininterrompue, mais, à
la différence des cellules tumorales, lorsqu’elles étaient greffées à une souris elles formaient des tumeurs
non envahissantes. Comparées à des fibroblastes normaux, ces cellules avaient acquis l’immortalité. Elles
avaient effectué une partie seulement du chemin qui mène au cancer. On les désigne, pour cette raison,
sous le terme de cellules "transformées" ou "immortalisées", réservant le terme de "cellules
tumorales" à celles qui génèrent des tumeurs envahissantes lorsqu’elles sont transplantées in vivo.
La lignée de "cellules 3T3", établie au début des années 1960 dans le laboratoire de Howard Green et
qui présente les caractéristiques de "cellules immortalisées" est un outil très utile et présent dans nombre
de laboratoires. Elle a notamment rendu possible, pour la première fois, la culture in vitro des cellules de
la peau et l’une manière plus générale des épithéliums.
Les premiers succès de culture de peau humaine sont dus à Howard Green et au fait qu’il a compris que
l’épithélium, c’est-à-dire l’épiderme (la couche imperméable et protectrice dont l’intégrité est nécessaire à
la survie de l’organisme) ne peut trouver, en culture, des conditions favorables à sa survie s’il n’est pas
associé à un tissu mésenchymateux comparable à son substrat normal, le derme. C’est dans les années
1970 qu’il réussit à cultiver des cellules épithéliales épidermiques en les associant à celles de la lignée
3T3, qui joue le rôle du derme et que l’on a soin d’irradier afin qu’elles ne deviennent le type de cellules
dominantes de la culture à cause de leur fort pouvoir prolifératif. Il a alors tenté de cultiver des cellules de
l’épiderme humain adulte selon la même technique. Le résultat fut spectaculaire. En 1980, Howard Green
montrait qu’une suspension de cellules épidermiques humaines ensemencées sur une couche de cellules
3T3 irradiées, formaient des colonies qui, parvenues à confluence, formaient une couche d’épiderme de
surface croissante. Greffée sur un souris "nude", dépourvue de thymus et donc capable d’accepter tous les types de greffes, elles continuaient à se différencier pour former un épithélium pluristratifié normal.
En 1983, la réputation d’ Howard Green s’étendit du milieu scientifique au niveau national puis mondial,
lorsqu’il fut sollicité pour tenter de sauver la vie de deux jeunes frères, brûlés accidentellement à plus de
90% de leur surface corporelle et donc destinés à succomber dans un bref délai. En collaboration avec des
médecins de l’hôpital pour enfants de Boston, des fragments de peau saine des enfants, furent mis en
culture dans son laboratoire et, au fur et à mesure que des surfaces d’épiderme se trouvaient disponibles,
elles étaient transplantées sur la surface brulée. Les enfants subirent ainsi un traitement lent laborieux et
douloureux, mais survécurent. Cette "expérience" médicale fut ensuite approfondie et développée par
Green et son laboratoire. Il en résulta un traitement désormais utilisé en routine pour traiter les grands
brûlés dans le monde entier. La culture de la peau des patients est assurée par des compagnies spécialisées
qui se trouvent dans tous les pays pratiquant une médecine avancée.
Les recherches d’Howard Green et de ses collaborateurs se sont ensuite tournées vers la caractérisation
des cellules qui, tout au long de la vie, assurent d’une manière incessante le renouvellement de la couche
cornée protectrice de l’épiderme et qui sont responsables du renouvellement des poils et autres phanères.
La peau humaine est en effet renouvelée entièrement tous les 21 jours.
La cellule souche de l’épiderme a été la seconde à être caractérisée, après celle qui est responsable du
renouvellement des cellules sanguines (la cellule souche hématopoïétique CSH). Cette découverte
importante, tant du point de vue scientifique que par les applications thérapeutiques qui en ont dérivé, est
due à Howard Green, à ses collaborateurs ainsi qu’à ses successeurs qui, pour nombre d’entre eux furent
ses disciples.
Nicole Le Douarin, mars 2016