Edmond Malinvaud

25 avril 1923 - 7 mars 2015
Notice nécrologique
Edmond Malinvaud est décédé le 7 mars 2015. Il avait été élu correspondant de l'Académie des sciences le le 6 juin 1994 dans la section de Mathématique.
Formé à l'École Polytechnique (promotion 1942), Edmond Malinvaud est entré en 1946 à l'INSEE, nouvel organisme public français
consacré à la statistique et aux études économiques. Participant au développement des
comptes nationaux, il publie en 1957 une "Initiation à la comptabilité nationale" : ce type de
comptabilité était un outil majeur aux temps de la planification à la française, et il reste essentiel
aujourd'hui. De 1972 à 1974, il est Directeur de la Prévision au Ministère des Finances, lieu de la
réflexion économique destinée à orienter les politiques gouvernementales, en synergie avec l'INSEE
qu'il dirigera de 1974 à 1987.
Edmond Malinvaud a énormément contribué au développement de l'économétrie, outil de la science
économique destiné à appuyer celle-ci sur des faits, des comportements et des raisonnements rationnels,
l'éloignant de ce qui était encore enseigné dans les universités françaises. Il parviendra à allier recherche
théorique, applications pratiques et recommandations aux pouvoirs publics, avec une totale indépendance
d'esprit. Ses préconisations en 1993 avec un groupe d'économistes, ou les conclusions de sa mission pour
le gouvernement Jospin en 1998 sur la nécessaire réduction des charges sociales sur les salaires les plus
bas, sont encore d'une étonnante actualité…
Les principaux apports théoriques d'Edmond Malinvaud, outre ses premiers travaux sur l'accumulation
du capital, portent d'ailleurs sur la question de l'emploi. Son "Réexamen de la théorie du chômage" (en
1980) analyse ainsi les relations entre la baisse du rendement du capital et l'emploi. Plus largement, il a
contribué à la fondation de la "théorie du déséquilibre" : quand les prix et les salaires sont plus ou moins
fixes, les ajustements se font sur les quantités des biens disponibles, et il apparait selon les cas un
chômage de type classique par excès de main-d'oeuvre, ou un chômage de type keynésien par déficit de la
demande. Dans "La Croissance française" (1972, avec J.J. Carré et P. Dubois), il a souligné le rôle du
progrès technique dans les "Trente glorieuses".
Edmond Malinvaud a exercé une énorme influence sur des générations d'économistes français grâce,
notamment, à ses ouvrages didactiques et à ses multiples enseignements. Aux ouvrages déjà mentionnés,
il faut ajouter les "Méthodes statistiques de l'Économétrie" (1964), les "Leçons de théorie
microéconomique" (1969), et sa "Théorie macroéconomique" (en deux volumes, 1981 et 1982). Tous
ont fait l'objet de multiples rééditions et de nombreuses traductions. Il fallait voir les piles de certains
manuels de Malinvaud dans les grandes librairies universitaires américaines quand, dans les années 1970,
ses ouvrages figuraient sur les listes de lecture obligatoires des étudiants…
En parallèle à ses responsabilités professionnelles, et à la rédaction de ses nombreux articles et ouvrages,
Edmond Malinvaud a assuré de multiples enseignements: à l'École nationale de la statistique (ENSAE)
bien sûr, qu'il a dirigée de 1962 à 1966, mais aussi à l'École des hautes études en sciences sociales (de
1957 à 1993), au Collège de France (de 1988 à 1993), ou aux Etats Unis (il a été notamment Professeur
invité à Berkeley en 1961 et 1967).
Sa réputation internationale était immense. Edmond Malinvaud était Docteur honoris causa de treize
universités étrangères, membre de six Académies étrangères, et il avait reçu de nombreux prix en France. Il était Commandeur de la Légion d'Honneur, Grand'croix de l'Ordre national du mérite.
Henri Léridon, mars 2015