Ahmed Zewail

26 février 1946 – 2 août 2016
L'Académie des sciences a le profond regret de faire part du décès d'Ahmed Zewail, survenu le 2 août 2016, à l’âge de 70 ans.
Ahmed Zewail avait été élu associé étranger de l'Académie le 21 juin 2005 dans la section de Chimie.
Notice nécrologique
Ahmed Zewail, membre Associé étranger de notre compagnie nous a été
enlevé en août 2016 à l’âge de 70 ans. Né à Damanhur, dans le delta du Nil,
il a eu la chance de voir ses capacités scientifiques hors normes être
rapidement reconnues. Après des études universitaires à Alexandrie, il put
ainsi bénéficier en 1967 d’une bourse d’études afin de réaliser un doctorat à
Philadelphie chez le professeur Hochstrasser, puis rejoindre Berkeley tout
d’abord comme post-doctorant puis, fait assez rare aux États-Unis, être
nommé comme Assistant Professor de chimie à Caltech en 1976, puis
comme professeur Linus Pauling en 1999 toujours à Caltech.
Au cours de mes études j’avais appris qu’il serait toujours impossible
d’observer les mouvements des atomes créant et défaisant les liaisons
chimiques qui les lient au cours d’une réaction chimique ou biochimique. Le
concept de "l’état de transition" était alors voué à demeurer un modèle
utile, prévisible par calculs quantiques, mais inaccessible à
l’expérimentation vue l’échelle de temps (femtosecondes) de sa durée de vie. Cela a perduré jusqu’en
1990, lorsque Ahmed Zewail, jeune professeur à Caltech, a littéralement permis de "filmer" la formation
et la rupture d’un état de transition grâce à l’utilisation de lasers délivrant des pulses de quelques
femtosecondes de durée. Cela permettait de reconstruire la position et la dynamique des atomes au cours
de réactions chimiques à partir des fonctions d’ondes électroniques. On n’observait pas encore réellement
les noyaux des atomes se déplacer mais on voyait les liaisons chimiques se faire et se défaire, ce qui
revenait plus ou moins au même. Ce travail extraordinaire lui a valu de recevoir le prix Nobel de chimie
en 1999.
Beaucoup se seraient contentés d’affiner et d’exploiter cette découverte, mais nous savions tous
qu’Ahmed Zewail ne pouvait pas en rester là. Il voulait réellement voir les noyaux des atomes se
déplacer. C’est ce qu’il a réalisé grâce à une combinaison judicieuse de pulses laser ultracourts en mettant
au point dès le début des années 1990 une méthode permettant de créer et d’utiliser des flux d’électrons
individuels répétés à quelques femtosecondes d’intervalle afin de rendre compte de la dynamique des
atomes dans les solides et sur les surfaces, y compris en milieu biologique à l’échelle des organelles
cellulaires. Cette nouvelle microscopie électronique offrait une résolution temporelle un milliard de fois
plus rapide que les méthodes traditionnelles sans altérer la résolution spatiale. C’est pour cette seconde
contribution exceptionnelle que nous l’avons élu au sein de notre Compagnie comme Associé étranger en
juin 2005. Ahmed Zewail était membre de nombreuses académies des sciences prestigieuses mais la nôtre
a toujours occupé une place de choix chez lui, reflétant par-là la francophilie traditionnelle des
intellectuels égyptiens.
Au-delà de ses apports déterminants en science et de ses vastes qualités intellectuelles et d’écoute, Ahmed
Zewail se sentait citoyen du monde et voulait que sa notoriété scientifique puisse aider les populations
défavorisées de notre planète à accéder puis contribuer aux progrès des sciences, évitant ainsi leur
endoctrinement fanatique. Il s’est fortement et constamment engagé politiquement dans ce but. Il a ainsi
consacré une partie de son prix Nobel à initier la création d’une Cité des sciences et des technologies
dans les faubourgs du Caire. Cela et la mission d’Ambassadeur des Sciences au Moyen-Orient que lui
avait confiée le président Obama, lui ont valu d’être invité par le secrétaire général des Nations unies à
rejoindre le conseil scientifique de l’ONU.
Christian Amatore
Voir quelques repères biographiques
L'exploration du mode microscopique/Exploring the microscopic world, discours sous la coupole le 12 décembre 2006